Boum, boum, boum ! C’est la fête au village et les campagnes ne se sentent plus de joie ! Les poules pondent carré, les vaches fournissent le lait déjà battu et les oiseaux démissionnent, battus par les décibels des basses de la musique foraine.
Depuis l’an dernier, les jeunes attendent les soirées dansantes, comme on disait au bon vieux temps. Ils vont pouvoir se défouler, je vous l’assure, car notre lit vibre aux accents de la sono. Oubliez les boules « Quiès », cela ne sert à rien. Prenez votre mal en patience, en vous disant que la « foire » vous offre les massages vibrants gratuits !
Boum, boum, boum ! Les vitres de ma Polo s’offusquent des décibels abusifs; un bolide me poursuit… Il va falloir vous lever tôt pour me dépasser, mon garçon ! Et, de toute façon, si vous arrivez, je vous rejoindrai au feu suivant. Encore un jeune mâle en période de rut ou en mal de virilité, vous choisissez l’explication qui vous convient le mieux.
Boum, boum boum ! Dzîîîîî, pif, paf, pouf ! Me voilà au cinéma, immergée—que dis-je immergée ? Noyée dans les sons. Mon souvenir le plus terrible, en service scolaire commandé : Il faut sauver le soldat Ryan. Il faudra bientôt sauver quelqu’un d’autre !
Boum, boum, boum ! Lalala… chers clients, n’oubliez pas nos occasions extraordinaires au rayon poissonnerie… Les moules extra… C’est moi qui devient la moule, à force d’entendre, dans la chambre froide d’une certaine grande surface, la moins chère, que les tomates X ont été fécondées par des bourdons, les petites coquines ! Il se pourrait bien qu’un beau jour j’en devienne moi-même piquée !
Les chaînes du bruit et nos oreilles
La radio, la télé, les autoradios, les DVD, les CD, les chaînes du bruit nous emprisonnent les oreilles, nous remplissent le cerveau comme on rentre le foin dans un grenier de montagne suisse. A jet continu. Coupez le son, vous pourrez entendre le chant du train de marchandises qui traverse le village, le camion poubelle vorace, les tondeuses qui entonnent une mélodie antiphonée d’une pelouse à l’autre, sans oublier les tronçonneuses automnales.
Nos oreilles emboiteillées
Stop ! Stop ! J’ai envie de jouer au roi du silence, que nous jouions avec nos jeunes enfants spécialement bavards et bruyants dans la voiture, sur le chemin des vacances : le premier qui parle a perdu ! Ouf, Je vais pouvoir rassembler mes esprits et méditer sur l’avenir du monde. Je vais peut-être pouvoir trouver une zone de paix, de calme, de communion avec Celui dont le message a bien de la peine à pénétrer nos oreilles embouteillées et nos cerveaux farcis d’agitation.
Encore faut-il faire un peu de ménage, de place pour entendre le souffle de Dieu sur la montagne.
Encore faut-il prêter l’oreille (quelle expression !) à l’inaudible. Car Dieu ne s’est pas révélé dans le tonnerre, dans la tempête, dans le tourbillon, dans le typhon, dans la tornade, mais dans une brise légère, douce, caressante, rafraîchissante, bienvenue dans la chaleur de l’été.
Nous avons besoin de silence, comme de pain, comme de paix et de calme comme d’une eau limpide au doux murmure... Pour pouvoir repartir, neufs, solides, courageux, persévérants, nourris de ce vent léger qui nous transport, qui nous élève au-dessus des vains tourbillons de nos bruits souvent inutiles.
Yvette Vanescotte