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LES REVELATIONS DE DIEU DANS LA NATURE

Causerie faite le 24 novembre 1940 (Journée des Missions) devant l’Eglise Réformée de Caen par M. Fernand MOREAU, Professeur à la Faculté des Sciences de Caen.

Préface de Joël Moreau, fier d’être l’un de ses petits-fils

Fernand est né le 29 juin 1886 à Château-Renault (Indre-et-Loire).  Il était drôle, joyeux, quelqu’un de convivial, une personne qui s’intéressait à tout... Il posait beaucoup de questions et était d’une très grande culture, il voulait toujours apprendre…

A la fin de sa vie, vers 87 ou 88 ans il se mit à apprendre le malgache car sa « gouvernante » était malgache, mais il disait qu’il attendait encore un peu avant d’apprendre à conduire (alors qu’il venait de se casser le col du fémur).

Fernand, quand j’étais jeune, je l’ai peu connu. Il venait rarement à la maison de mes parents. Il ne conduisait pas, le train n’était pas évident (de Caen à Brest). Mais à l’âge de jeune adulte, j’ai beaucoup correspondu avec lui, en lui parlant de mon engagement dans le Seigneur, et j’ai découvert un Fernand très proche de Dieu à mon grand étonnement et à ma grande satisfaction, ce qui nous a rendus un peu complices via nos écrits.

Fernand et Valentine : C’était une époque où les scientifiques étaient des gentils fous, la science importait plus que l’argent... Ils n’avaient pas de gros microscopes électroniques, ni de chromatographies en phase gazeuse, ni de nombreux ordinateurs... Non, juste un bec bunsen, quelques tubes à essais, des boites de pétri, un microscope et c’était tout. Ils élaboraient des hypothèses qui s’avéraient souvent vraies par la suite.

L’épisode de l’amanite citrine

Je me rappelle d’un épisode où, à la société de mycologie, les honorables membres avaient décidé de manger un champignon considéré comme mortel : l’amanite citrine... Eux, affirmaient qu’il n’était juste que vénéneux et non mortel. Ils décidèrent donc de se faire un repas (une omelette ?) d’amanites citrines ! Résultats ? De bonnes diarrhées, de nombreux vomissements, mais, de ce qui aurait pu devenir un funeste repas, aucun des participants n’est mort et dans la littérature, à compter de ce jour, l’amanite citrine est passée de « mortelle à vénéneuse. »

Fernand avait demandé la main de Valentine, car elle était la seule étudiante de la Sorbonne et comme il était le premier à lui demander sa main ! Il l’a facilement obtenue en 1910 ! Et elle est devenue ma grand-mère !

Travaillaient comme chercheurs à la Sorbonne

Jeunes, ils travaillaient comme chercheurs à la Sorbonne (c’était l’époque des Joliot-Curie...dont Irène, fille de Pierre et Marie curie, mais qui était plus jeune que mes grands-parents). .

Fernand est décédé, 2 jours après la naissance de ma première fille Blandine. Il a reçu le télégramme le lui annonçant, et a dit à sa gouvernante : « J’ai une nouvelle arrière-petite-fille ». Il s’est éteint le télégramme sur les genoux, et est parti rejoindre son créateur le 27 novembre 1979.

Certes, le texte ne parle pas directement de Jésus, mais ce n’était pas le thème de la « causerie »

Comment ai –je trouvé son manuscrit que mon épouse a eu la gentillesse de retaper ? Je ne sais pas comment il est arrivé dans mes mains, ni depuis combien de décennies je l’avais. Mais quel régal de le lire...et je vous le partage. Sans oublier que ce texte date de 1940, en pleine guerre et avec les connaissances scientifiques de l’époque.

Les références de Fernand Moreau :

• Botaniste, phyto-pharmacologue.

• Doyen honoraire de la Faculté des sciences de Caen.

• Professeur à la Faculté des sciences de Caen et à l'École de médecine et de pharmacie de Rouen (1946).

• Docteur en sciences naturelles (Paris, 1913).

• Agrégé de l'Université

 

Il a écrit de nombreux ouvrages de renommées internationales ainsi que des livres de vulgarisation : il était un pédagogue exceptionnel qui savait se mettre à la portée de tous.

 

Fernand Moreau

Les Révélations de Dieu dans la Nature

Causerie faite le 24 novembre 1940 (Journée des Missions) devant l’Eglise Réformée de Caen par M. Fernand MOREAU, Professeur à la Faculté des Sciences de Caen.

 

Sommaire

Les révélations quotidiennes de Dieu : le ciel, le crépuscule, l’orage, la montagne, la mer, le ciel étoilé.

Les émerveillements du savant : les dimensions du monde, le nombre des étoiles, leur histoire, leur composition chimique, l’unité du monde visible, le monde des atomes, l’homme entre les deux infinis. Les richesses du monde vivant : les fossiles, le monde microscopique, les ultra-microbes, le plan de la création.

Les périls qui attendent le savant : le déterminisme, Dieu, hypothèse inutile.

Les appels de Dieu : quelques sources de l’inquiétude métaphysique chez le savant, la suprême révélation.

 

Texte de sa conférence

M. Le Pasteur,

Mesdames, Messieurs,

Vous avez souhaité que, ce soir, ce soit un naturaliste qui vous parle de Dieu et vous dise comment Il se révèle à lui dans la nature. C’est un très beau sujet de conférence, le plus beau peut-être qui puisse être proposé à un homme de sciences, mais pour le traiter d’une manière satisfaisante, combien de conditions faudrait-il réunir que je suis bien loin de réaliser ; pour la magnificence, la splendeur, le faste de la création, il faudrait être poète et être un virtuose du verbe, il faudrait être peintre et disposer d’un pinceau habile et d’une palette d’une richesse rare, il faudrait être musicien et retrouver quelques- uns des accents dont vibrait la harpe à dix cordes qui accompagnait jadis le Psalmiste lorsqu’il chantait les louanges du Créateur.

 

C’est dire toute l’étendue de la déception qui serait la vôtre si vous conserviez l’espérance qu’en l’absence des moyens d’expression du poète, du peintre ou du musicien et au cours d’une causerie de quelques minutes, il me sera possible de vous présenter en raccourci le tableau fidèle des merveilles que Dieu a répandues dans la nature.

 

Je veux vous épargner aussi une autre déception : ne croyez pas que le naturaliste, en raison de son contact permanent avec la nature, reçoive de Dieu d’autres enseignements que ceux qu’Il adresse à tous les hommes. Il peut lui parler plus fréquemment, donner à ses leçons des accents particuliers, mais au moins dans une première révélation, Il ne lui enseigne rien qui diffère essentiellement de ce qu’Il nous enseigne à tous.

Il n’est, fort heureusement, pas du tout nécessaire d’être un savant pour éprouver une émotion profonde, une pieuse émotion, une religieuse, une sainte émotion, en face des grands spectacles de la nature.

 

Chacun de nous, quotidiennement, a été le témoin du spectacle toujours renouvelé que nous offre le panorama aux couleurs toujours changeantes du ciel en plein jour ; nous avons vu se modifier d’un instant à l’autre les nuances qu’il offre dans les bleus, dans les roses, les ardoisés, les grisailles ; nous connaissons les embrasements de l’aurore, les rougeoiements, les rutilances du soleil couchant et nous avons suivi des yeux dans leur marche capricieuse les nuages que le vent déforme en les entraînant dans sa course.

 

Chacun, de même, a éprouvé les soirs d’été, les souffles rafraîchissants du crépuscule et le grand calme religieux qui prélude au sommeil de la nature. Et voici qu’à leur évocation, c’est, de clocher en clocher, le tintement de l’Angélus qui frappe notre oreille, c’est la toile célèbre de Millet qui se présente à nos yeux et ce sont, dans notre mémoire, les vers de Lamartine :

« A ce pieux appel [de l’Angélus] le laboureur s’arrête ;

Il se tourne au clocher, il découvre sa tête,

Joint ses robustes mains d’où tombe l’aiguillon,

Élève un peu son âme au-dessus du sillon,

Tandis que ses enfants, à genoux sur la terre,

Joignent leurs petits doigts dans les mains de leur mère. »

 

Nous avons tous encore été les auditeurs, parfois effrayés, de la magistrale orchestration dont le tonnerre accompagne les orages.

Nous avons vu dans la montagne les crêtes neigeuses se profiler sur le ciel et, plus près de nous, la mer immense agiter à nos pieds ses flots tumultueux.

Chaque nuit, les étoiles s’allument au firmament et c’est le grand enchantement du ciel constellé. La grande figure de Dieu préside à cette féerie et c’est encore aux Méditations de Lamartine que j’emprunte ces quatre vers :

« Ame de l’Univers, Dieu, père, créateur,

Sous tous ces noms divers, je crois en toi, Seigneur,

Et sans qu’il soit besoin d’entendre ta parole,

Je lis au front des cieux mon glorieux symbole. »

Longtemps avant, le Psalmiste avait affirmé en termes majestueux (Psaume 19) : « Les cieux racontent la gloire du Dieu fort ».

 

Mais les cieux naguère étaient insensibles et l’Univers inanimé. Dieu en a égayé l’austère majesté en y répandant des germes de vie : l’insecte aux ailes étincelantes, le coquillage aux reflets de la nacre, le poisson aux écailles d’or et d’argent, l’oiseau à la brillante parure, le mammifère à la riche fourrure, les plantes avec la multiplicité de leurs formes et la luxuriance de leurs corolles parfumées, le monde vivant en un mot, avec ses magnificences, avec toutes ses splendeurs, chante à son tour la gloire du Créateur.

 

Et Dieu a parachevé son œuvre de vie en faisant de l’homme le témoin conscient de son œuvre : il en sait la richesse, il en éprouve la grandeur, il en devient l’harmonie et il exprime son admiration. Il faudrait lire ici, ou relire, des pages superbes écrites dans toutes les langues des hommes à la louange du Créateur.

 

Le Psalmiste en offre une collection étendue et, bien qu’elles vous soient familières, citons-en quelques lignes :

Ps. 8 : « ton Nom est magnifique par toute la terre »

Ps. 92 : « O Eternel ! Que tes œuvres sont magnifiques »

Ps. 145.10 : « Eternel, toutes tes œuvres te célèbrent »

Ps. 104 : « O Eternel, mon Dieu, tu es merveilleusement grand, tu es revêtu de majesté et de magnificence. O Eternel, que tes œuvres sont en grand nombre... La terre est pleine de tes richesses. »

Ps. 145 : « Je m’entretiendrai de la magnificence glorieuse de ta majesté et de tes œuvres merveilleuses »

Ps. 148 : « Louez l’Eternel. Louez l’Eternel dans les cieux, louez-Le dans les plus hauts lieux. Louez-Le, soleil et lune, toutes les étoiles, louez-Le. Louez-Le cieux des cieux et vous les eaux qui sont sur les cieux. Que toutes ces choses louent le nom de l’Eternel, car Il a commandé et elles ont été créées. [...] Louez de la terre l’Eternel. [...] Feu et grêle, neige et vapeurs, vents de tempête, qui exécutez sa parole, montagnes et tous les coteaux, arbres fruitiers et tous les cèdres, bêtes sauvages, reptiles et oiseaux, rois de la terre et tous les peuples, princes et tous les gouverneurs de la terre, ceux qui sont à la fleur de l’âge et les vierges et les vieillards et les jeunes gens, qu’ils louent tous le nom de l’Eternel ! Car Son nom est élevé, Sa majesté est sur la terre et sur les cieux. Louez l’Eternel »

Nous voici parvenus au terme de la première partie de cet exposé. On pourrait l’intituler les révélations quotidiennes de Dieu pour voir, des oreilles pour entendre, un cœur pour s’émouvoir ; nous pouvons recueillir dans le monde de saintes révélations, de pieux enseignements, de religieuses émotions.

 

Les voix de Dieu, qui parle dans l’étoile lointaine, dans l’azur du ciel, dans le bleu des séracs, dans le torrent qui clapote au flanc des montagnes, dans l’écume qui blanchit la crête des vagues, dans le fracas du tonnerre, ou le murmure des roseaux, dans le gazouillement de l’oiseau dans son nid ou de l’enfant dans son berceau, les voix de Dieu, dont la nature est pleine, se font entendre aussi à l’homme de science ; peut-être ne lui confient-elles rien qu’elles n’aient déjà dit à chacun de nous, du moins lui donnent-elles l’occasion d’éprouver d’une manière plus fréquente et plus profonde la sainte émotion qui saisit l’homme en face de l’incompréhensible création.

 

Présentons, parmi des milliers d’autres, quelques exemples des émerveillements qui sont la récompense quotidienne du labeur du savant. L’homme qui se livre à l’étude de la nature a reconnu l’immensité du monde. Encore ignorant, il avait imaginé que les étoiles étaient des clous d’or attachés à des cieux de cristal emboités les uns dans les autres et que tout cet édifice fragile tournait autour de notre terre, tenue pour centre de l’Univers.

 

Il n’en est rien. Il n’y a pas de cieux de cristal, ils gêneraient dans leur course les comètes, et les étoiles filantes les briseraient. La réalité est bien plus belle que le rêve : les étoiles sont des soleils, semblables au nôtre et sans doute des terres semblables à la nôtre, tournent autour d’elles comme les planètes autour du soleil.

 

Des distances énormes nous séparent d’elles. La lumière qu’elles nous envoient franchit 300 000 kms par seconde ; animée de cette vitesse prodigieuse, celle qui nous vient de l’étoile polaire, par exemple, met un peu plus de 46 ans pour arriver jusqu’à nous ; il est des étoiles lointaines dont la lumière ne nous parvient qu’après un voyage de plus de 200 000 ans.

Leur nombre est immense : à l’œil nu, il est possible d’en recenser 7 000 à 8 000 ; les télescopes les plus puissants permettent d’en voir directement 30 000 000, mais il en est bien davantage. Grâce à la photographie du ciel, on a relevé la présence de millions et de millions de nouvelles étoiles, que notre œil ne sait pas voir directement.

 

De ces étoiles, on sait l’histoire : quelques-unes sont allumées sous nos yeux, en un point du ciel où jusque-là, on ne voyait rien. On ose dire leur âge : les plus jeunes nous envoient une éclatante lumière blanche ; en vieillissant, elles deviennent jaunes, comme c’est le cas de notre soleil ; les plus vieilles des étoiles visibles sont des étoiles rouges ; elles s’éteignent enfin ; elles deviennent des astres obscurs que l’œil humain ne verra plus.

 

 On sait, grâce à l’analyse spectrale, la composition chimique des étoiles ; il est remarquable d’y trouver les mêmes corps qui constituent notre terre : de l’hydrogène, du magnésium, du fer, etc. On peut donc croire qu’une même substance constitue tout l’univers visible et que c’est d’elle que sont faits les mondes que Dieu a lancés... dans l’espace.

 

 Voilà quelques-unes des visions grandioses que perçoit le savant attaché à l’étude du ciel. Imaginez seulement quelles résonances elles éveillent chez lui et quelles émotions le soulèvent s’il sait vibrer, comme une lyre vivante, au contact des merveilles de la création.

 

 Ces religieuses émotions ne sont pas le monopole de l’astronome ; le physicien, le chimiste, en éprouvent de semblables. L’homme qui a reconnu la magistrale ordonnance des mondes épars dans le ciel, qui a arpenté les espaces interstellaires et pesé les astres, s’est livré à l’étude des minimes particules des corps que sont les atomes : il les a pesés, dénombrés, analysés. Chose singulière, il a retrouvé en chacun d’eux une miniature de système solaire, un centre qui rappelle notre soleil et des corpuscules qui tournent autour de lui comme les planètes gravitent autour du soleil. L’image de l’infiniment grand des mondes du ciel trouve sa réplique dans l’image de l’infiniment petit du monde des atomes, et c’est la page classique de Pascal qui se présente à notre mémoire : « Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté... »

 

C’est le passage entier qu’il faudrait lire ou relire ; glanons-y seulement quelques lignes : « Qu’est-ce-que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout [...] Que fera t-il donc sinon d’apercevoir l’apparence du milieu des choses dans un désespoir éternel de connaître ni leur principe, ni leur fin ? [...] L’auteur de ces merveilles les comprend. Tout autre que lui ne peut le faire » (Pensées, I.I)

 

Et c’est, maintenant, le monde vivant qui doit retenir notre attention émerveillée.

Le naturaliste en a commencé l’inventaire : plus de 10 000 espèces de plantes à fleurs, des milliers et des milliers de champignons, des centaines de milliers d’animaux et pour fixer les idées, plus de 18 000 coléoptères, et nous nous limitons aux espèces actuellement connues.

 

Quelle richesse de formes déjà ! Elles ne sont pourtant qu’une part restreinte des formes multiples qui sont sorties des mains du Créateur. Deux méthodes, deux techniques, ont permis au naturaliste d’en découvrir bien d’autres.

Il a fouillé les couches du sol ; il a trouvé les restes, les fossiles, des formes vivantes qui, jadis, en des temps qu’on s’est aventuré à mesurer et qui se chiffrent par des centaines de milliers d’années, ont peuplé notre planète, ses continents et ses mers, avant qu’y apparaissent les faunes et les flores actuelles et l’homme lui-même.

 

Les restes de la plupart de ces organismes du passé sont disparus et nous ne connaîtrons jamais tous les êtres vivants qui habitaient les continents de jadis, escaladaient leurs montagnes, ni tous ceux qui vivaient dans les mers d’autrefois, animaient leurs plages et leurs abîmes.

 Le naturaliste a appelé encore à son aide le microscope et c’est tout un monde nouveau qui s’est présenté à ses yeux émerveillés. Le monde microscopique des eaux, la microflore et la microfaune du sol se sont révélés d’une richesse incroyable.

 

Là vivent des organismes d’une taille tout à fait exiguë, tout un monde de petits animaux et de petites plantes qui n’ont que quelques millièmes de millimètres. Leur étude est à peine commencée et voici que nous savons l’existence de microbes encore plus petits que les précédents, trop petits pour être vus à l’aide du microscope ; on les appelle les ultra microbes, les ultra virus ; ils n’ont que quelques millionièmes de millimètre...

 

Tous ces êtres, gros et petits, sont de formes variées ; ce que nous savons de leur composition chimique les montre au contraire assez semblables les uns aux autres ; on croirait que le fondeur divin a coulé la matière vivante dans des moules variés, dont il s’est complu à multiplier les formes.

 

Toutefois, ces dernières ne sont pas distribuées au hasard. Entre les formes géantes à notre échelle d’homme et les formes minuscules, entre les animaux et les végétaux, entre les formes actuelles et les formes éteintes, il y a des termes de passage, et l’ensemble est harmonieux ; il donne lieu à l’établissement de tableaux de classification qui expriment des enchaînements et révèlent un plan. Les formes vivantes n’ont pas été créées au hasard, mais suivant un plan

 

Dès lors, la tâche du naturaliste revêt les caractères d’une œuvre pieuse : il doit retrouver le plan de la création et tenter de se livrer à l’analyse de la pensée divine, lorsqu’elle conçut et réalisa le monde vivant. Son œuvre toute entière devient un hymne célébré à la louange du Créateur. Une seule citation traduira les enthousiasmes du savant ; c’est au botaniste Linné que je l’emprunte : « Lorsque je me suis éveillé, Dieu éternel, immense, omniscient, tout puissant, venait de passer, je l’ai vu de loin et je suis resté plongé dans l’admiration ! J’ai suivi les traces de ses pas à travers les œuvres de la création et partout, même dans les choses si petites qu’elles semblent n’être pas, quelle puissance ! Quelle sagesse ! Quelle inexplicable perfection ! (Systema naturae, p. 10)

 

Peut-être penserez-vous, Mesdames et Messieurs, au moment où nous achevons de prendre cette vue rapide des enthousiasmes, des émerveillements de l’homme de science, que c’est un grand privilège que celui dont jouit le savant, qui bénéficie de la possibilité quotidienne de contempler dans toute la plénitude de sa richesse, dans toute l’étendue de sa splendeur, l’œuvre de Dieu.

 

Sans nul doute, c’est un privilège rare que le sien et l’homme de science qui en jouit, devrait chaque jour bénir le grand Dieu qui le lui a accordé ! Ne l’enviez pas trop pourtant, ce privilégié du Seigneur, car son privilège comporte ses dangers, ses périls même.

 

L’étude de la nature a révélé au savant un ordre rigoureux, une discipline sévère, des lois rigides : les astres obéissent d’une manière fidèle aux lois de la mécanique céleste, la pierre qui tombe, le son dans sa propagation, la lumière, l’électricité dans leurs diverses manifestations obéissent à des règles strictes, qui sont les Lois de la nature.

Ces lois sont rigoureuses et le savant qui les connaît sait prévoir avec sûreté le retour des phénomènes qu’elles régissent : celui des éclipses par exemple, ou celui des comètes : on sait que telle d’entre elles, la comète de Halley, que nous avons vue en 1910, poursuit sa course dans le vaste univers et boucle son orbite en 76 ans et selon toute vraisemblance elle reviendra dans nos parages en 1986.

 

La prévision des phénomènes astronomiques est rigoureuse ; nos calendriers annoncent avec sécurité pour chaque jour l’heure du lever et celle du coucher du soleil et pour chaque mois la succession des phases de la lune. On dit qu’il y a un déterminisme des phénomènes astronomiques.

Pareil déterminisme préside aux phénomènes qu’étudient les physiciens et les chimistes et il y a un déterminisme des phénomènes de la vie aussi strict que celui de la matière inanimée.

 

Dès lors, le savant se propose de rechercher les lois impérieuses, les lois inéluctables, auxquelles obéit l’univers et dans cette recherche il est en grand danger d’oublier Dieu : si l’Univers obéit à des lois rigoureuses, il paraît au savant que Dieu, qui les a posées naguère, a abdiqué le pouvoir suprême, a renoncé au gouvernement du monde ; le travail scientifique se poursuit désormais indépendamment de la notion de Dieu et Dieu devient, conformément à une formule célèbre une hypothèse inutile.

 

Et voilà comment l’homme de science que nous voyions tout à l’heure plongé dans la contemplation de Dieu, s’est engagé dans des voies qui l’éloignent de Dieu et souvent se sépare de Dieu.

Cette séparation n’est pas nécessairement définitive. Dieu laisse dans le cœur du savant une inquiétude métaphysique qui est susceptible, tôt ou tard, de le ramener vers Dieu et voici comment : si le déterminisme gouverne le monde, nous pouvons prévoir avec vraisemblance ce que sera le devenir de notre terre (I).

 

(I) Cf. Cuénot (L.), L’inquiétude métaphysique. Discours de réception à l’Académie de Stanislas, mai 1928. Ce globe déjà refroidi, et que, de sa lumière jaune réchauffe encore le soleil, continuera à se refroidir ; lorsque le soleil, subissant le sort commun aux étoiles que nous voyons rougir et s’éteindre, sera devenu un astre obscur, un froid intense sévira sur notre planète.

La vie humaine, la vie tout court, cesseront de pouvoir subsister : la terre poursuivra sa course autour du soleil, désormais obscur et glacé et comme un gros potiron sans vie roulera silencieusement dans les cieux insensibles !

 

L’épopée de l’homme, son faste et ses misères, ses héroïsmes et ses détresses, ses victoires et ses défaites, auront pris fin. Ce sera comme si la vie n’avait jamais existé, comme si la vie humaine n’avait jamais embelli la planète, comme si aucun homme n’avait jamais souffert, n’avait jamais espéré, n’avait jamais prié, n’avait jamais été exaucé, n’avait jamais reçu de consolation, comme si aucun effort n’avait jamais été fait, comme si n’avait jamais été réalisé cet effort missionnaire, dont il faut bien que je trouve le moyen de vous dire un mot, puisque c’est autour de lui que nous sommes réunis aujourd’hui ; tout sera comme si aucun de nos missionnaires chrétiens n’avait propagé dans le monde la Bonne Nouvelle de la charité, comme si aucun n’avait été brûlé par le soleil, tanné par le simoun, miné par les fièvres, comme si aucun n’avait reçu la mort de ceux à qui il était allé porter les paroles de vie ; vanité que tout cela. Tout sera comme si n’avait jamais été écrit le Palmarès de souffrance sur les pages duquel s’inscrit jour après jour l’histoire douloureuse de l’humanité, comme si le monde n’avait jamais connu les héros, les saints, les martyrs, comme si jamais ne s’étaient épanouis chez nous la foi, ni l’espérance, ni l’amour !

 

Le fruit d’une expérience personnelle

Mesdames et Messieurs, j’apporte ici le fruit d’une expérience personnelle : le savant le plus éloigné de Dieu, le plus convaincu de la vaste généralité du déterminisme, tremble à la pensée de ce néant et dans l’inquiétude qui le saisit, dans l’angoisse qui l’étreint, je vous demande de voir un des appels que Dieu lui adresse et une nouvelle révélation de Dieu.

Il en est d’autres ; pour notre usage personnel, nous fabriquons des outils : un marteau, une tenaille, un soufflet, une pompe, un appareil photographique ont été fabriqués intentionnellement. Les êtres vivants aussi possèdent des outils : le poing qui frappe, la main qui saisit, sont un marteau et une tenaille, tout notre appareil respiratoire fonctionne comme une soufflerie, notre cœur comme une pompe aspirante et foulante, notre œil comme un appareil photographique perfectionné !

 

Beaucoup de ces outils sont compliqués. Ont-ils pris naissance par hasard ou sous l’action d’une cause intentionnelle ? Le temps me manque pour développer cette question que les biologistes appellent le problème de l’adaptation (II).

Indiquons seulement qu’il frange de mystère l’étude des mécanismes vivants et voyez dans l’inquiétude qu’apporte dans l’esprit du savant la troublante question de l’origine, des adaptations à une nouvelle révélation de Dieu.

 

Bien souvent, le savant reste sourd à ces appels de Dieu, et en cela il se montre un homme comme nous tous, que Dieu appelle tant de fois sans que nous sachions ou voulions lui répondre. Peut-être même le savant est-il moins bien que d’autres placé pour entendre les appels de Dieu, peut-être des aspects essentiels du divin, risquent-ils de passer inaperçus à ses yeux.

(II) Cf. Cuénot (L.), L’invention en Biologie. Séance publique annuelle de l’Institut de France, octobre 1935.

Mieux que d’autres peut-être, il comprend le Dieu qui crée, le Dieu qui organise, le Dieu qui légifère, mais s’il s’en tenait là, il retiendrait de Dieu une image bien incomplète. Notre Dieu est tout cela, mais il n’est pas que cela. Il est le Dieu qui aime sa créature, le Dieu qui lui propose une vie morale, c’est le Dieu du Décalogue et du Grand commandement évangélique, c’est aussi le Dieu de justice, c’est le Dieu qui pardonne, le Dieu qui console, c’est le Dieu qui parle à l‘homme d’une manière personnelle.

 

Dieu se révèle au savant

Cette mise en rapport direct de l’homme et de Dieu, cette conversation entre le Créateur et la créature, est pour le savant comme pour tous, le grand appel, l’éloquent appel de Dieu et, puisque vous avez souhaité ce soir savoir comment Dieu se révèle au savant, je dirai qu’elle est, pour le savant comme pour chacun de nous, la grande, l’émouvante et la suprême révélation.

 

Photo de Fernand et Valentine MOREAU, jeunes, dans leur laboratoire

 

Tag(s) : #Des hommes et des femmes..., #Rencontre avec, #Témoins d'espérance, #Conférences-expo-concerts
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